Ce jeudi 5 juillet, les ministres Agnès Buzyn et Frédérique Vidal étaient présentes à l’ouverture de nos Journées d’Été 2018 à Caen. À cette occasion, elles ont annoncé la fin des ECNi et jeté les bases de la réforme du deuxième cycle en préparation depuis plusieurs mois.

La fin des ECNi s’inscrit dans la suite de réflexions conduites depuis plusieurs mois. Après le fiasco des ECNi 2017, l’ANEMF avait obtenu des ministres le lancement d’une mission sur le deuxième cycle des études de médecine. Cette mission pilotée par Jean-Luc Dubois-Randé (alors président de la conférence des doyens de médecine) et Quentin Hennion-Imbault (ex-Vice-Président de l’ANEMF) a été fortement accompagnée par l’ANEMF :
- notre grande concertation nationale nous a permis de recueillir l’avis d’un maximum d’étudiants sur les évolutions du deuxième cycle, et a abouti aux états généraux du deuxième cycle le 28 octobre à Paris.
- l’ANEMF s’est investie dans le comité de pilotage de la mission et la plupart de nos propositions ont été reprises par les rapporteurs.

Par la suite, l’ANEMF a continué de s’impliquer dans les réflexions autour de la réforme au sein des groupes de travail pilotés par Jean-Luc Dubois-Randé et Yanis Merad autour du matching et de l’approche par compétence. Cela fait maintenant plusieurs mois que nous vous parlons de cette réforme en préparation, et pour laquelle nous nous sommes fortement investis.
Ces travaux ont ainsi abouti le 5 juillet avec les annonces des Ministres !
Revivez en vidéo la cérémonie d’ouverture avec les annonces des ministres :

La réforme proposée par le gouvernement à partir des propositions de l’ANEMF et de la conférence des doyens est ambitieuse : elle propose de remplacer les ECNi par un matching se basant sur un trépied de critères, les connaissances, les compétences cliniques et relationnelles et le parcours de l’étudiant.
Une régulation ministérielle du nombre de postes d’internes par spécialité et par subdivision est conservée. Seule l’affectation des internes est transformée : elle ne dépend plus du classement des ECN mais de ce processus de matching multifactoriel.
Pour évaluer les connaissances, des épreuves similaires aux ECNi (ECNi-like) mais se focalisant sur les connaissances « socle » auront lieu en fin de cinquième année.
La sixième année sera ainsi libérée pour une approche « pré-professionnalisante » avec une immersion en stage et une diversification des approches professionnelles. L’objectif est de permettre à l’étudiant de confirmer son choix d’orientation en essayant des spécialités d’une façon plus ressemblante de l’internat, mais aussi de permettre une ouverture sur la personnalisation (recherche, mobilités, engagement…) sans la pression d’un examen de connaissances.
En fin de sixième année, les étudiants seront évalués via un examen de compétences qui s’intègrerait au matching sur le versant compétences.
À ceci s’ajouterait la remise d’un dossier standardisé et anonyme permettant aux étudiants de faire état de leur parcours en limitant tous les biais. Ceci permettrait de valoriser les éléments de parcours comme les mobilités, la recherche, l’engagement… et ainsi de déculpabiliser la personnalisation de parcours pendant le deuxième cycle !
Dans le cadre du système de matching, chaque étudiant est donc caractérisé par son/ses scores de connaissances, son score de compétences cliniques et relationnelles et son dossier standardisé et anonyme de parcours. Les modalités précises de déroulement du matching restent à préciser mais dans l’état actuel de la concertation, la formule retenue est la suivante : chacun formule des vœux (un vœu = spécialité + ville) et des jurys nationaux (dont la composition doit être réglementée) classent les étudiants pour chaque spécialité, selon des critères prédéfinis et transparents. Il y a notamment une pondération des scores de connaissance et du parcours en fonction des spécialités et des postes. Puis, les étudiants choisissent leur poste d’interne à l’aide d’un algorithme (oui, oui mais, …) d’affectation simple, du même acabit qu’admission post bac par exemple. Cette procédure est peut être vouée à évoluer dans les mois qui viennent mais le principe restera le même et l’ANEMF reste attachée à la transparence et l’égalité de traitement des étudiants.


Les critiques opposées au système des ECNi sont nombreuses. Cette réforme permet d’y répondre en améliorant significativement le système de formation des médecins français et en lui redonnant du sens.
☛ Les ECNi se basent exclusivement sur les connaissances
De nombreux étudiants et formateurs reprochent aux ECNi de se baser uniquement sur les connaissances théoriques, et ce pour deux raisons :
- ceci entraîne une hyper-focalisation sur les connaissances théoriques tout au long du deuxième cycle, au détriment de l’investissement en stage et de l’apprentissage d’autres aspects de la pratique médicale comme la relation avec les patients, etc.
- aucun argument n’expliquerait une pertinence supérieure des connaissances par rapport aux compétences cliniques (par exemple) comme critère de sélection pour le choix de poste d’interne : il n’y a pas plus de « mérite » à être très bon en théorie qu’en pratique.
Cette réforme vient remettre en question le monopole des connaissances en intégrant deux nouveaux types de critères dans le choix de poste d’interne : les compétences cliniques et relationnelles, et le parcours de l’étudiant.
☛ Il n’y a aucune pondération selon la spécialité que l’on vise.
La non pondération des notes aux ECNi selon les spécialités est également un élément sujet à critiques : un étudiant ayant de très bons résultats en rhumatologie ne pourra pas les mettre en valeur, en revanche un étudiant ayant de très mauvais résultats dans une spécialité pourra quand même être favorisé pour y accéder selon ses résultats dans les autres spécialités.
La pondération des différents critères du matching (le trépied connaissances – compétences – parcours) pourra varier selon les spécialités afin de permettre à chacun de valoriser ses affinités particulières et sortir du classement unique (qui a, au final, peu de sens !).
☛ Les ECNi sont comme un « couperet » en trois jours.
Les ECNi sanctionnent en trois jours d’épreuves trois ans de travail, avec une pression phénoménale qui s’impose aux étudiants.
L’ajout de notes de compétences en sixième année et la place du parcours doivent permettre de réduire l’importance relative de chaque épreuve ponctuelle afin de supprimer l’effet « couperet ».
Ces trois éléments ne sont que des exemples de critiques formulées à l’encontre des ECNi, il en existe encore d’autres comme l’absence de personnalisation de parcours (effet « clone »), la coupure entre la DFASM3 et le début de l’internat… Beaucoup de ces points négatifs sont ce qui a motivé le lancement de cette réforme, et y trouvent donc naturellement réponse ! Cette réforme a donc pour objectif d’avoir un impact positif sur l’entrée dans l’internat mais aussi sur le deuxième cycle en amont.

L’ANEMF identifie plusieurs points de vigilance sur cette réforme et la concertation se poursuit pour les sécuriser :
➡️ Cette réforme constitue-t-elle une perte d’égalité ?
À première vue, cette réforme peut sembler dangereuse car elle fait intervenir de nombreux critères nouveaux et inhabituels dans le matching, notamment certains qui peuvent paraître plus « subjectifs« .
C’est une des craintes principales que vous nous avez fait remonter depuis le début de la concertation, et nous en sommes bien conscients. C’est pourquoi nous avons travaillé depuis plusieurs mois pour sécuriser cet aspect (dont il est bien fait état dans le rapport QHI – JLDR).
1. Cette réforme ne doit pas être une porte ouverte au favoritisme ou au piston.
Afin d’éviter tout cas de favoritisme ou de piston dans l’examen des vœux des candidats ou lors de l’examen de compétences, plusieurs éléments sont à sécuriser (ils font d’ores et déjà le consensus avec nos interlocuteurs) : la collégialité des processus (afin d’éviter des jugements individuels biaisés), la transparence et le blocage des conflits d’intérêts dans les jurys, l’anonymat et la neutralité des dossiers…
Par exemple, dans le cadre de l’évaluation des compétences, une bonne façon d’empêcher le favoritisme est de s’assurer qu’aucun étudiant ne soit évalué par un professeur de sa faculté.
2. Cette réforme doit utiliser des méthodes d’évaluation fiables, standardisées et reproductibles.
Que ce soit dans l’évaluation des compétences ou du parcours, les critères de notation utilisés doivent être objectivés et standardisés afin d’être comparables entre les étudiants et pour éviter des variabilités entre examinateurs. Ce type de méthode existe d’ores et déjà à l’étranger, notamment avec l’exemple des ECOS = Examen Clinique Objectif Structuré (ou OSCE = Objective Standardized Clinical Examination) qui consistent en une évaluation des compétences cliniques et relationnelles se basant sur une méthodologie suffisamment objective.
3. Cette réforme doit concrétiser le principe d’égalité des chances entre les étudiants (financièrement, géographiquement…).
La prise en compte du parcours nécessite de s’assurer que certains étudiants ne seront pas pénalisés selon leur niveau socio-économique ou leur faculté d’origine.
Plusieurs leviers existent : augmenter les mobilités inter-facultés, plafonner la prise en compte du parcours, utiliser des dossiers « stéréotypés » (où l’on ne peut pas mettre tout et n’importe quoi, et pas sous n’importe quelle forme)…
L’utilisation de ces leviers et le dosage adéquat du poids des différents critères de parcours doivent permettre de sécuriser l’égalité des chances entre les étudiants.
➡️ Ne crée-t-on pas une spécialisation précoce ?
La prise en compte du parcours dans le système de matching donne un poids aux expériences en amont de la fin du deuxième cycle : une crainte légitime que vous avez exprimé est l’avantage conféré aux étudiants ayant déjà déterminé leur projet d’orientation qui pourront plus facilement choisir leurs expériences de façon avantageuse. Ce système créerait par extension une incitation forte à se spécialiser de manière précoce, ce qui n’est absolument pas souhaitable.
Plusieurs éléments doivent permettre de garantir que le nouveau système de matching n’encouragera pas une spécialisation précoce :
- un équilibre modéré des pondérations : par exemple, éviter de rendre indispensable avec une pondération forte un stage en cardiologie pour accéder à la spécialité cardiologie.
- un poids léger du parcours pour lui donner une nature de « coloration » bien plus qu’une spécialisation.
- le plafonnement des différents aspects de personnalisation de parcours pour limiter les stratégies de pré-spécialisation.
➡️ Comment les étudiants de l’Union Européenne se réintègrent-ils ?
Les étudiants de l’Union Européenne ont actuellement la possibilité de s’inscrire aux ECNi pour intégrer le troisième cycle. Ceci est obligatoire d’après les directives européennes.
Le nouveau système devra permettre aux étudiants européens de s’intégrer sans perturber l’égalité des chances. Ceci fera l’objet d’une vigilance importante de la part de l’ANEMF.

En conclusion, cette réforme est issue d’une concertation importante des étudiants et des formateurs, et elle répond ainsi à un grand nombre de nos attentes. L’ANEMF appelle depuis longtemps à une transformation de l’entrée dans le troisième cycle : avec le lancement de cette réforme, c’est parti ! La concertation se poursuit pour préciser encore davantage les transformations à venir : nous continuons d’y être fortement impliqués pour porter la voix des étudiants en médecine !
Pour plus d’informations, vous trouverez ci-dessous la table ronde ayant suivi les annonces des ministres lors des Journées d’Été de l’ANEMF 2018 et le dossier de presse du gouvernement expliquant la réforme.