Lettre ouverte à l’attention de :
Agnès Buzyn – Ministre des Solidarités et de la Santé
Frédérique Vidal – Ministre de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation
Paris, le 18 mars 2019,
Mesdames les Ministres,
Vous avez été nommées ministres un mois avant que l’Examen Classant National (ECN) 2017 ne vire au cauchemar pour plus de 8000 étudiants en médecine. La pression, le mal-être et le non-sens présents dans nos études, mis en lumière à travers cette “promo fiasco”, vous avaient amenées, après un cycle de concertations, à annoncer la fin de l’ECN pour les étudiants entrant en deuxième cycle à partir de la rentrée 2019. Il y a quelques jours, les 8000 étudiants de troisième année actuels ont appris qu’ils n’allaient finalement pas échapper à ces trois années d’externat destructrices. Le mardi 12 mars, la commission des affaires sociales a voté, avec le soutien de Mme la Ministre Agnès Buzyn, le report d’un an de la réforme, et ce, en allant à l’encontre de la volonté des étudiants. Il ne fait maintenant plus aucun doute que l’étude en séance publique n’y changera rien.
Le besoin de réformer notre deuxième cycle n’est plus à prouver. Uniquement centré sur l’apprentissage de connaissances en vue de l’ECN, il ne nous permet pas d’acquérir toutes les compétences nécessaires à notre exercice futur, ni de découvrir la pluralité des modes d’exercice et des territoires. Ainsi, il nous est difficile de construire un véritable projet professionnel, et ce manque de sens criant de nos études est l’un des responsables de la santé mentale dramatique, que vous connaissez, des étudiants. Plus de deux tiers des jeunes et futurs médecins souffrent d’anxiété, 27% de dépression et 24% ont déjà eu des idées suicidaires, selon l’enquête “Santé mentale jeunes médecins” menée par plusieurs structures jeunes dont l’ANEMF.
Supprimer les ECN est aussi l’une des 15 mesures contenue dans le rapport remis par Donata Marra pour améliorer le bien-être des étudiants en santé. Votre promesse constituait donc un véritable espoir pour ces étudiants de sortir de ce système.
Pendant plusieurs mois, des groupes de travail réunissant enseignants et étudiants se sont concertés pour affiner le futur dispositif, et permettre le changement profond nécessaire à nos études. Aujourd’hui, un ensemble de propositions sont sur la table : approche par compétences, refonte des référentiels d’apprentissage, prise en compte du parcours individuel… Des propositions détaillées, mais peu d’arbitrage et de documents officiels de la part de vos ministères ont conduit à un flou, ayant pour conséquence une faible prise en main de la réforme par les doyens et les équipes pédagogiques, et rendant parfois difficiles les transformations organisationnelles et pédagogiques au local.
Bien qu’ayant été alertés de nombreuses fois par l’ANEMF, peu de changements ont été effectués par vos ministères dans la conduite de la réforme, nous amenant à la situation actuelle.
Mesdames les Ministres, notre objectif commun est d’aboutir à une réforme transformante. Sa mise en place dans de bonnes conditions ne pourra passer que par un engagement fort des ministères pour que chaque acteur de cette réforme prenne ses responsabilités.
L’ANEMF exige du gouvernement des engagements pour le futur des étudiants en médecine concernant le deuxième cycle de nos études.
Pour que la mise en place de la réforme soit rapide et efficace, une mission ministérielle à la direction définie doit impérativement être instaurée. Celle-ci, co-dirigée par un doyen et un étudiant en médecine, devra permettre une coordination des différents acteurs de la réforme afin d’obtenir une publication des textes rapide, et une déclinaison locale, concrète et coordonnée à travers toutes les facultés de médecine de France.
Pour que les facultés puissent pleinement développer les innovations de cette réforme, un investissement financier et humain doit être mobilisé par vos deux ministères.
Pour que ce report ne soit pas une année de perdue, nous nous devons d’aller encore plus loin dans la transformation pédagogique engagée par cette réforme. Cela passe notamment par l’écriture d’un référentiel unique pluridisciplinaire et le développement en stage de la formation et des nouvelles modalités d’évaluation.
Pour que les étudiants déçus de ne pas entrer dans un système plus sain et moins anxiogène ne soient pas les laissés pour compte d’une promesse non tenue, des améliorations significatives doivent être mises en place pour la dernière promotion devant passer les ECN.
Mesdames les Ministres, il y a 9 mois vous avez annoncé la suppression des ECN. Il est maintenant temps que vous mettiez en œuvre les moyens nécessaires, afin que l’ensemble des acteurs puissent concrétiser cette réforme ambitieuse et indispensable.
Nous sommes prêts à discuter concrètement avec vous de la situation et de cette mise en application.
Veuillez agréer, Mesdames les Ministres, l’expression de notre plus grand respect envers l’institution que vous représentez.
Clara BONNAVION
Présidente
presidence@anemf.org
06 50 38 64 94