Le projet de loi du gouvernement intitulé “Organisation et transformation du système de santé” a commencé à être examiné hier et le sera encore pendant toute cette semaine au Sénat. Les sénateurs n’ont examiné pour l’instant le projet de loi que jusqu’à l’article 2 (sur une petite trentaine que contient le projet) mais ils ont déjà adopté des amendements insensés pour notre formation !
Des amendements transpartisans… sans les étudiants !
Les sénateurs ont rédigé des amendements transpartisans (N°1 ter, N°542 quinquies et N°762) qui ont pour but d’obliger les étudiants en dernière année d’internat à faire un stage de médecine ambulatoire, en priorité en zone sous-dense, en totale autonomie. Les internes de médecine générale et de quelques autres spécialités de premiers recours qui seront définies par arrêté, sont concernés.
Le gouvernement, représenté par les Ministres de la santé Agnès Buzyn et de l’enseignement supérieur Frédérique Vidal, étaient formellement opposées à cette mesure.
Les sénateurs qui portaient cet amendement arguent que cette mesure permettrait aux étudiants de découvrir l’exercice ambulatoire en zones sous-denses mais aussi de générer de l’offre de soins sur les territoires déficitaires.
Adoptée à la presque unanimité (311 votes pour et 16 votes contre), cette mesure est catastrophique pour la formation car elle ampute l’internat de médecine générale d’une année de formation !
Une catastrophe pour la formation médicale
En effet, la maquette des internes de médecine générale se compose de 6 stages de 6 mois avec :
- un premier stage en ambulatoire chez le médecin généraliste, dit de niveau 1,
- un stage dans un service d’urgence, un en santé de la femme, un en santé de l’enfant, un dans un service de médecine polyvalente (ordre non défini),
- et enfin un semestre professionnalisant en autonomie supervisée chez un médecin généraliste dit SASPAS.
Dans cette mesure, nous sommes loin du stage de 6 mois en ambulatoire de niveau 2 (dit SASPAS) encadré par un MSU et dont l’activité est limitée quantitativement, qui est proposé dans la maquette actuelle. La maquette de formation de l’internat de médecine générale et des autres spécialités prévoit une autonomisation progressive des internes, tout le contraire de cette mesure qui parachute soudainement, et pour 1 an, les internes en autonomie totale dans les territoires, préférentiellement sous-denses.
C’est aussi un véritable problème pour la population de ces zones sous-denses à qui l’on attribue des internes qui n’ont pas terminé leur formation et qui vont changer tous les 6 mois ou 1 an. C’est la création d’une médecine à deux vitesses, dont les internes ET les patients vont faire les frais !
Pour pallier le problème du raccourcissement de la formation, les sénateurs ont mis en avant que, selon eux, l’internat de médecine générale devrait durer 4 ans et pas 3 comme actuellement. Cette idée fait débat depuis déjà quelques mois, l’ISNAR-IMG (syndicat des internes de médecine générale) n’y est pas opposée mais sous certaines conditions précises qui, actuellement, ne sont pas réunies, notamment en termes de ressources humaines pédagogiques ! De plus, si cela devait se faire, cela serait dans le cadre d’une véritable réflexion sur la maquette de médecine générale dans sa globalité, et ne serait surtout pas d’ajouter 1 an d’exercice autonome en zones sous-denses…
En d’autres termes, les sénateurs ont fait fort : au lieu de voter une des mesures coercitives souvent proposée qui consiste à obliger un certain nombre d’années d’exercice en zones sous-denses à la sortie des études sous peine de pénalités financières, ils ont intégré cette année coercitive dans la formation.
Le projet de loi doit encore passer en Commission Mixte Paritaire et éventuellement à l’Assemblée Nationale. L’ANEMF, l’ISNAR-IMG et l’ISNI ont appelé, dans un communiqué commun, les parlementaires à un retour à la raison et de préserver une formation de qualité pour les futurs médecins en supprimant cette disposition en commission ou à l’Assemblée Nationale. Nous vous tiendrons au courant des suites des événements.